Il y a longtemps que l'idée qu'un peintre puisse favoriser pleinement le noir comme moyen d'expression de son art me fascinait, et j'avais envie depuis longtemps de voir à quoi cela ressemblait. j'ai eu la chance de passer quelques jours à Montpellier, où le magnifique musée Fabre offre une très belle collection d'œuvres de Soulages. J'ai donc pu satisfaire mon envie !
Je suis bien incapable d'en parler comme un critique d'art, mais je dirai que je n'ai pas été déçue, mais fascinée par le pricipe du noir utilisé pour magnifier la lumière pure.
Si vous mettez :
sur le moteur de recherche, vous aurez en pdf un texte vraiment complet sur l'histoire du Noir et sur Pierre Soulages d'où viennent les citations ci dessous.
En voici les premières lignes :
Être confronté au travail de Pierre Soulages, notamment ici, au Musée Fabre, est une expérience esthétique forte où la séduction et la prégnance de la peinture se couplent d’un questionnement sur les enjeux de ce travail. Une tension s’opère immanquablement entre le mutisme apparent de certaines œuvres, en particulier les grands Polyptyques, noirs, absolument et radicalement noirs, et le discours qui se dégage néanmoins d’elles, qui parlent à notre sensibilité mais aussi à notre esprit. “ Ma peinture est un espace de questionnement et de méditation où les sens qu’on lui prête peuvent venir se faire et se défaire ". 1
Si des formes dans les débuts de l’oeuvre de Soulages s’apparentent à des éléments calligraphiques et à des signes gestuels (Six Peintures, 41x33, 1971, peinture à l’huile sur toile), l’artiste de se réclame pas de la génération des tenants du scriptural et du signe, .....(mais) de la trace du geste non la recherche de forme en tant que signe, et son inscription dans l’espace de la toile ou du support ainsi que la matérialité de la peinture avec ses opacités et ses transparences. “ Ce qui m’intéresse […] ce n’est pas le geste mais son incarnation picturale […] ....... Autrement dit, ce qui l’intéresse, c’est la vie des formes dont le geste initial est le déclencheur non une fin en soi.
La peinture de Pierre Soulages ne faisant référence à rien d’autre qu’elle-même dans son élaboration et surtout à rien qui lui soit extérieur n’est donc ni abstraite ni figurative. Précisons à ce propos qu’il n’existe pas le noir qu’il utilise dans la nature ; ses œuvres sont donc des productions libres de tout modèle, des artefacts
Dans les premières peintures, Soulages compose la surface avec des formes gestuelles noires mêlées parfois à des formes de couleur. Un jeu subtil s’opère entre les formes à la peinture et le fond de la toile, coloré ou non. D’une palette très réduite, souvent bichrome (bleu/noir et blanc ou jaune/noir), Pierre Soulages en arrive dès les années 80 aux tableaux absolument noirs, ceux qui reçoivent l’appellation Outrenoirs.
Celui que je préfère ! la couleur brune est très transparente, liquide, on voit très bien le grain de la toile, fin et serré, opposée au noir compact à la matière épaisse et en relief.
Quelque soit la technique utilisée, le format est presque toujours rectangulaire et, en ce qui concerne les peintures, il a grandi au fil des années jusqu’à toucher la monumentalité comme en témoignent les Polyptyques du Musée Fabre. “ La dimension que je choisis dépend de l’humeur du moment […] quand j’ai choisi une toile, souvent j’attends, je tourne autour, j’attends d’oser, d’oser apporter quelque chose là-dessus ". Cette citation de Pierre Soulages qui s’ancre dans l’idée de format témoigne aussi de la spatialité du rapport de l’artiste à son support avant l’acte de peindre, et qui se prolonge bien sûr, dans l’acte de peindre.
L’appréhension des oeuvres demande au spectateur un déplacement, en arrière, en avant ou sur le côté pour que la richesse des noirs soit saisie. Les noirs vibrent et se transforment selon l’angle par lequel ils sont abordés, il est donc aussi question de l’espace du spectateur avec ces oœuvres
“ L’outil n’est pas le noir, c’est la lumière ". Cette déclaration de Pierre Soulages aux allures de paradoxe est le cœur des préoccupations plastiques de l’artiste depuis la fin des années 70 et la réalisation des Outrenoirs. Ce n’est pas le noir pour le noir qui intéresse Soulages mais la capacité, le pouvoir du noir à faire surgir, à révéler la lumière dans ses jeux de matières et de textures. Ces dernières accrochant la lumière sur leurs crêtes et leurs arêtes la donne à voir dans tout son éclat, sa brillance et son intensité. C’est l’idée de “ surface noire comme piège à lumière " dont parle Gilbert Lascault dans son article l’Obscur rayonne
Ce magnifique musée a fait un travail remarquable d'éclairage en lumière à la fois naturelle et artificielle, pour mettre en valeur ces œuvres fascinantes, et mes pauvres photos d'amateur ne leur rendent pas vraiment justice !