MURATA Kiyoko, auteure japonaise de Kyushu, belle découverte pour moi !
En 1987 elle remporte le prix Akutagawa, le plus prestigieux au Japon, pour ce roman !
MURATA Kiyoko
De passage chez mon libraire, je suis tombée par hasard sur le roman « le couvreur et le rêve » de MURATA Kiyoko. Je ne connaissais pas du tout cette auteure et la 4ème de couv’ m’a tentée :
Le couvreur qui travaille sur le toit est d'une grande discrétion. La mère de famille, seule chez elle pendant la journée est impressionnée par la délicatesse de ses pas sur les tuiles. Peu à peu ces deux êtres silencieux font connaissance. Chaque jour, à l'heure du thé, le couvreur se livre davantage et partage sa passion pour les toits des temples bouddhiques comme pour ceux des cathédrales européennes. Puis il évoque la possibilité de partir les visiter en rêve. La dame commence le soir même son apprentissage.(Babelio)
Le roman m’a vraiment plu et du coup je me suis intéressée à l’auteure, que je croyais avoir la quarantaine d’après son écriture, mais qui s’est révélée être une boomer comme moi !
Kiyoko MURATA est née en 1945 à Kyushu, l’île la plus volcanique du Japon, celle où se trouve le port de Nagasaki, seul port ouvert à l’Occident pendant les 2 siècles et quelques d’isolement du Japon et qui reçut la seconde bombe atomique en 1945.
C’est aussi la première île de l’archipel où le christianisme se soit vraiment implanté et où on le trouve encore malgré l’interdiction de Toyotomi Hideyoshi puis de Ieyasu Tokugawa et ce n’est pas anodin de le savoir quand on lit MURATA Kiyoko !
Après le lycée elle fait divers petits boulots (ouvreuse de cinéma, vendeuse de journaux, serveuse dans un café…) mais à 30 ans elle remporte le prix littéraire du festival d’art de Kyushu avec Suichi no koe. Elle fonde une revue littéraire, continue à écrire et reçoit (après 2 sélections) le plus prestigieux prix japonais, le prix Akutagawa, en 1987, pour Nabe no naka. En 1990 elle reçoit le prix de littérature féminine pour un recueil de nouvelles, Shiroï yama. Elle reçoit le prix Murasaki Shikibu (la dame qui a écrit le dit du Genji ! )en 1997 pour Kanijo et en 2010 le prix Noma pour Furusato no waga ie.
Mais seulement 4 de ses livres seront traduit en français seulement à partir des années 2000 chez Acte Sud.
Suichi no koe (La voix de l’eau, suivi de Le parc en haut de la montagne)2005
Nabe no naka (Le chaudron ) 2008 pour la publication en français, ...
...mais en 1991 le grand KUROSAWA Akira l’adaptera au cinéma sous le titre français de Rhapsodie en août, (sélectionné à Cannes en 1991)et d’après Télérama, c’est un très beau film !
Yojuko (Fille de joie) 2017 pour la traduction française
Yaneya (Le couvreur et les rêves) 2024
J’ai donc lu « le couvreur et les rêves » et j’ai beaucoup aimé ce roman à l’atmosphère à la fois étrange et réaliste. Etrange car programmer ses rêves pour voyager, ce serait le rêve, justement, bien moins coûteux et polluant que l’avion !! Etrange car malgré tout la technique n’est pas si facile que ça et nous place dans un monde intermédiaire à la frange de la réalité ! !
Mais réaliste car l’auteur décrit ces aventures rêvées dans un style simple, qui leur donne une forme concrète. L’amour pour les cathédrales françaises m’a surprise, jusqu’à ce que je comprenne que nous étions à Kyushu, l’île au passé chrétien. La façon d’envisager le monde du haut des toits en change l’optique, surtout quand c’est la cathédrale de Chartres, ou la grande pagode de 5 étages d’un temple. Les parallèles que la voyageuse fait entre les édifices chrétiens et bouddhistes ouvrent une vision originale et personnelle !
Comme j’ai aimé son livre j’ai acquis « fille de joie » que mon libraire avait aussi fait rentrer !
Babelio : À quinze ans, une enfant est vendue par ses parents au tenancier d'une maison close. Nous sommes en 1903, à l'époque les familles pauvres tentent ainsi de survivre. Après deux jours de mer, Ichi intègre la communauté des courtisanes. Là, elle apprendra toutes les manières du corps, celles de la soumission comme celles qui la protègeront. Ainsi apprendra-t-elle à lire et à écrire comme l'impose la loi aux patrons de ces établissements. Et c'est grâce à l'institutrice qui chaque jour offre à ces femmes la possibilité puis la capacité de s'informer que leur sentiment d'injustice s'éveille.
De la même façon calme et maîtrisée dont MURATA Kiyoko décrivait ses voyages rêvés, elle nous fera vivre le quotidien des ces femmes, aussi bien celui de l’oïran (prostituée de 1er rang) que que celui de la jeune Ichi débutante à qui il faut tout apprendre. Et la description de cette vie « normale » pour tout le monde fait quand même froid dans le dos ! Les traces de christianisme se retrouvent encore dans la présence très agissante de l’Armée du Salut !On ne peut être que touvché par la force à la fois poétique et brute des tentatives d'écritures d'Ichi, qui trouve là un exutoire à sa vie terrible !
L’auteure ne recherche jamais l’émotion, le drame ou le mélodrame, mais sans aucune vulgarité ni crudité de langage elle nous plonge dans cet univers glaçant et cela n’en rend le récit que plus impressionnant !
Je conseille vraiment la découverte de cette auteure, qui n’est pas de la littérature « pour touriste » comme j’en croise parfois sur le Japon !
Je n’allais sûrement pas en rester là, dans la foulée j’ai trouvé (d’occasion, il est épuisé depuis longtemps) le roman du prix Akutagawa Nabe no naka (le chaudron) et emportée par mon élan je me suis commandé le film de Kurosawa « rhapsodie en août » tiré dudit roman ! Je vous tiens au courant de la suite !!