Yoko OGAWA, eau calme aux étranges profondeurs mystérieuses.
OgawaYōko , née en 1962 à Okayama dans la préfecture d'Okayama est une écrivaine japonaise, auteur de nombreux romans - courts jusqu'en 1996 - ainsi que de nouvelles et d'essais.
Elle est diplômée de l'université Waseda et elle vit à Ashiya, Hyōgo, avec son mari et son fils.
Elle a remporté le prestigieux Prix Akutagawa pour La Grossesse en 1991, et également les Prix Tanizaki, Prix Izumi, Prix Yomiuri, et le Prix Kaien pour son premier court roman, "La désagrégation du papillon".
Une adaptation cinématographique de sa nouvelle L'Annulaire est sortie en France en Juin 2005, un film de Diane Bertrand avec Olga Kurylenko et Marc Barbé. Au Japon, La Formule préférée du professeur a été récompensé du Prix Yomiuri et y est également sorti en film (2005), en bande dessinée (2006) et en cd audio (2006).
(Merci à Wiki !! )
Premier roman que j'ai lu d’elle : "Les tendres plaintes", édité chez Acte Sud, traduit par Rose-Marie Makino etYukari Kometani.
Ce roman m'a littéralement envoûtée, tant par son style limpide et poétique mais sans aucune mièvrerie que par l'histoire et les personnages.
Un résumé rapide : la narratrice, Ruriko, calligraphe en écriture occidentale, qui n'en peut plus de l'infidélité et de la violence de son mari, se réfugie dans un chalet isolé dans la montagne, là où elle passait ses vacances étant enfant. Dans les bois près de chez elle elle rencontre Monsieur Nitta, un pianiste virtuose mais qui, ne pouvant plus jouer, est devenu facteur renommé de clavecin, et son assistante, Kaoru. Il va alors se nouer une relation forte et particulière entre ces trois personnes. Ruriko, fascinée par le couple, tentera de pénétrer leur univers où la musique est prépondérante, à la fois par le morceau "les tendres plaintes" de Jean-Philippe Rameau, qui revient comme un leit-motiv, par la fabrication concrète de l'instrument, le clavecin, par le fait que Kaoru en joue, mais que Monsieur Nitta ne le peut plus.
Il y a dans les romans japonais que j'ai lus (très très peu, mais cela se dégage toujours) un détachement, une distanciation envers les sentiments absolument remarquables, qui donnent une sensation d'épure, presque de sécheresse. Ruriko mentionne la violence de son mari mais presque avec indifférence, et nous ne saurons rien de ses sentiments par ce qu'elle en dira, mais parce que c'est le lecteur, au cours du roman, qui tirera ses conclusions. C'est comme si, voyant vivre quelqu'un qui ne fait aucune confidence, nous devinions à ses actes ses sentiments. Cela donne un aspect fascinant au roman. Il faut y ajouter un talent particulier pour créer une atmosphère, décrire un paysage, une ambiance en très peu de mots mais très évocateurs.
Citation :
"Sur le tronc de l'orme, il y avait un gros creux. Sombre et profond comme une grotte. J'ai penché la tête pour regarder à l'intérieur. L'air froid a effleuré ma joue. l'obscurité n'était pas trouble mais chargée d'une odeur concentrée qui aspirait jusqu'au craquement des feuilles sous mes sandales. J'eus l'impression que toute l'odeur végétale qui saturait la futaie s'écoulait de là."
Ce livre se lit extrêmement facilement, tout y est clair et précis, et à la fois on y entr'aperçoit les abîmes d'ombre du cœur humain, la difficulté de traverser ces murailles invisibles qui entourent chacun de nous et nous rendent si difficile à atteindre.
Second roman que j'ai lu d'elle : "la formule préférée du professeur"
Le style poétique et fluide d'Ogawa est toujours là, donnant à un monde trivial une touche de douce magie.
Citation :
Il y avait encore de la lumière partout, alors que l'étoile du berger et la lune avaient fait une discrète apparition dans le ciel où les nuages se modifiaient à chaque instant. L'obscurité n'allait pas tarder à s'infiltrer au pied des arbres, mais elle se faisait discrète et nous aurons encore un peu de répit avant l'arrivée de la nuit. Le soir était le moment que nous préférions."
Comment mieux faire sentir la tombée du soir ? Et j'ai pris ce passage au hasard.
L'histoire, par contre (je pense aux "tendres plaintes) et la narration elle-même sont différentes.
L'histoire : La narratrice est une femme de ménage, et l'auteur semble avoir voulu rendre la simplicité et la modestie de cette femme à travers sa façon de nous faire partager ses souvenirs.
Cette aide ménagère, mère célibataire, est envoyée prendre soin d'un vieux professeur de mathématiques qui a été une sommité mais qui à la suite d'un accident a subi un trauma crânien, et n'a plus que 80 minutes de mémoire. Ce professeur insiste pour qu'elle lui présente son petit garçon de 10 ans, et une étrange amitié va se créer entre ces trois personnes. La jeune femme doit tous les jours redire au professeur qui elle est, et un système de notes accrochées à ses vêtement permet au vieil homme de savoir à qui il a à faire.
Ce professeur est un passionné de baseball, ainsi que le petit garçon, et à travers les mathématiques et le baseball, ils vont construire des passerelles et créer des liens. La mère et le fils vont se prendre d'une réelle affection protectrice pour le vieil homme, particulièrement le petit garçon, et maintenir ainsi une relation quasiment impossible à cause de l' infirmité de ce dernier.
Par petites touches légères on va peu à peu savoir quelle était la vie du vieil homme et qui est la veuve de la grande maison voisine.
Autant vous dire tout de suite que je déteste les mathématiques et que je ne m'intéresse pas du tout au baseball, et pourtant la découverte de la beauté des premières par la mère et son fils, et la passion pour le second du professeur et du garçon sont si bien écrits, si bien utilisés comme une sorte de métaphore de la vie elle-même que jamais cela ne paraît ennuyeux ou abscons.
J'ai lu ce livre tout d'une traite, il ne fait que 245 pages, il s'en dégage une force de tendresse et d'humanité qui vous prend au cœur et qui résonne longtemps dans la mémoire comme l'écho d'un long accord de musique nostalgique et douce.
Un film en a été tiré :
le film : http://asianwiki.com/The_Professor_and_His_Beloved_Equation
Le réalisateur (Takashi Koïzumi)a utilisé le principe du flash-back : le petit garçon est devenu prof de maths et raconte un jour de rentrée, à ses élèves, l'histoire de sa découverte des mathématiques.
C'est un joli film, mais qui n'a pas le charme envoûtant du roman.
Et puis ai lu et adoré "la marche de Mina" de ma chère Yoko Ogawa.
Cette auteure me fascine : elle change de style en fonction du personnage principal de son roman !!
Elle était une femme de ménage très simple dans "la formule ..." et là elle est une fillette de 12 ans !!! Et cela en gardant cette poésie claire et pure qui la caractérise.
L'histoire : Tomoko, orpheline de père doit aller passer une année chez la sœur de sa maman, celle-ci devant faire une formation professionnelle. Cela se passe en 1972, année des J O de Munich.
Tomoko n'a jamais rencontré cette partie de la famille et va se retrouver dans un milieu tout à fait nouveau : la grand-mère est allemande, le père dirige une importante société, ils sont riches, et originaux(ils possèdent un hippopotame nain ... ). Tomoko et Mina, la fille de la maison, plus jeune d'un an, vont devenir amies et très proches.
Le roman, c'est uniquement cette année 1972, vue par les yeux d'une fillette de 12 ans qui découvre à travers sa famille le monde extérieur au Japon. Les Jeux Olympiques et la médaille d'or japonaise en volley ball(mais aussi le terrible attentat de Septembre Noir) vont s'inviter dans l'histoire, comme le base-ball dans "la formule ..."
Ce livre nous montre avec une grande finesse et une légèreté de touche incomparable le cœur et l'esprit de deux adolescentes qui en sont à moment charnière de leur vie... à travers Tomoko nous percevons les secrets, les douleurs et les joies, les dissensions aussi, de cette famille, mais rien n'est appuyé, tout est en filigrane ...
Mina collectionne les boîtes d'allumettes, et elle invente une minuscule histoire pour chacune d'elles, ces histoires sont de véritables bijoux qui à elles seules feraient que l'on doit lire ce livre lumineux et tendre !!!
Ma découverte suivante sera "le petit joueur d'échecs"
Une fois encore il y a la relation particulière d'un adulte (obèse et reclus) et d'un enfant (qui un beau jour décide d'arrêter de grandir, ça m'a rappelé "le tambour" de Gunther Grasse) relation qui s'établit au travers le jeu des échecs.
On retrouve le schéma de "la formule préférée..." mais le roman est quand même très différent car dans "la formule...." tous les personnages sont, disons, normaux sauf le professeur mais c'est à la suite d'une maladie, ou d'un accident, en tous cas quelque chose de concret.
Dans "Le petit joueur d'échec" nous sommes dans un univers beaucoup plus en marge, à la limite du fantastique et là j'ai pensé fortement à Haruki Murakami, bien que le style et l'esprit du roman soit tout à fait différent..Yoko Ogawa possède un don de poésie, de finesse, de délicatesse d'écriture qui nous entraîne, nous fascine. L'imaginaire prend forme et devient partie prenante de la réalité, qui elle-même s'estompe dans un flou à la limite du rêve. Je ne connais strictement rien aux échecs, mais à mon avis ça n'a pas d'importance, pas plus que le Baseball ou les mathématiques dans "La formule..." car Yoko Ogawa nous fait pénétrer dans un monde étrange et particulier à l'aide des pièces et du damier du jeu, et je me demande ce qu'en penserait un vrai et bon joueur !!
Le roman suivant a été "Cristallisation secrète"
4ème de couverture Acte Sud :
L'île où se déroule cette histoire est depuis toujours soumise à un étrange phénomène : les choses et les êtres semblent promis à une sorte d'effacement diaboliquement orchestré. Quand un matin les oiseaux disparaissent à jamais, la jeune narratrice de ce livre ne s'épanche pas sur cet événement dramatique, le souvenir du chant d'un oiseau s'est évanoui tout comme celui de l'émotion que provoquaient en elle la beauté d'une fleur, la délicatesse d'un parfum, la mort d'un être cher. Après les animaux, les roses, les photographies, les calendriers et les livres, les humains semblent touchés : une partie de leur corps va les abandonner.
En ces lieux demeurent pourtant de singuliers personnages. Habités de souvenirs, en proie à la nostalgie, ces êtres sont en danger. Traqués par les chasseurs de mémoires, ils font l'objet de rafles terrifiantes...
Un magnifique roman, angoissant, kafkaïen. Une subtile métaphore des régimes totalitaires, à travers laquelle Yoko Ogawa explore les ravages de la peur et ceux de l'insidieux phénomène d'effacement des images, des souvenirs, qui peut conduire à accepter le pire.
Ce roman a été le plus difficile à appréhender tant son univers est étrange, à la fois fascinant et si loin de la simple rationalité. Rarement la sensation de pénétrer un monde parallèle fantastique a été aussi bien écrite, et je repense encore à Murakami Haruki et son merveilleux "Kafka sur le rivage" !
Je viens de finir "petits oiseaux" , le dernier (pour le moment) de ma collection OGAWA Yoko !!
Ce roman, comme d'ailleurs les autres, n'est pas ce qu'on appelle en horrible franglais un roman "page-turner" : on peut le quitter un moment, on n'a pas hâte d'y revenir, mais au bout d'une petite pause, il nous manque, on le reprend et on est à nouveau charmé, au sens magique du terme, captivé...
On a de nouveau un univers très particulier à travers deux frères, dont l'un ne parle que le langage des oiseaux, et dont l'autre est le seul à le comprendre.
Là encore OGAWA pose cette circonstance comme une banale réalité.
Elle aurait pu créer un personnage sourd, qui ne partage qu'avec son frère un certain langage de signes, et en fait c'est un peu le cas, sauf que parler Pawpaw (la langue des oiseaux) ça vous a une autre originalité, et cela ouvre toute la problématique du roman : les oiseaux et les rapports uniques que ces deux hommes entretiennent avec eux.
Au fil des pages, l'auteure crée une bulle irisée dans laquelle vivent les deux frères, au travers de laquelle ils aperçoivent leur propre image du monde extérieur, mais dont en fait ils ne sortent jamais vraiment.
Le frère aîné ne la quittera que pour mourir, paisiblement, il n'y a pas de drame dans ce roman, et le second, qu'on ne nommera jamais autrement que "le monsieur aux petits oiseaux", y restera jusqu'au bout aussi, même s'il touchera presque du doigt la réalité douloureuse du monde des autres.
Yoko Ogawa dépeint la vie de ces deux hommes, leur rapport aux oiseaux, les oiseaux eux-mêmes, et surtout leurs chants, avec une délicatesse, une finesse, une précision d'enlumineur, ou d'estampiste, ou comme une brodeuse créant point par point une tapisserie aux mille détails parfaits et minuscules.
La lecture de ce roman ouvre le cœur à une paix douce, mélancolique, avec même une pointe d'envie pour la capacité des personnages à avoir vécu toute leur vie sans jamais sortir de ce qui pour eux étaient son essence même.
Je viens de terminer le roman de Yoko OGAWA « instantanés d’Ambre » et je suis bien embêtée pour en parler, et pourtant il le faut absolument, impossible de ne pas essayer de partager l’émotion de ce roman, et en même temps comment ne pas trahir la délicatesse, la finesse, la magie de cette histoire en l’alourdissant par des mots ordinaires solides et massifs comme du béton !
je ne veux pas essayer de donner un synopsis, parce qu’on ne comprend, non, on ne devine que très lentement ce à quoi on a assisté en fait. Il y est question de trois enfants et de leur mère, rien n’y est brutal, rien n’y est physiquement douloureux, et ce n’est que très progressivement qu’on comprend que toute la poésie du monde imaginaire que se sont créé les enfant n’est peut-être qu’une façon de ne pas voir une réalité trop lourde…
L’écriture incroyablement belle de Yoko OGAWA nous place dans le cœur, dans l’âme des enfants, dans l’univers onirique qu’ils se bâtissent, puis très insidieusement, par touches imperceptibles la brume du monde rêvé se dissipe et on entraperçoit la réalité de ces années de vie dans la maison entourée d’un mur de briques.
Ambre, M.Amber, est le personnage qui est au centre de l’histoire, il est le créateur de instinctif du monde protecteur et magique des enfants. Deux ou trois autres intervenants prennent la parole de temps en temps, à la première personne, sans qu’on connaisse ni leur nom ni leur lien avec les enfants, et créent en même temps une passerelle entre le passé et le présent actuel des enfants devenus adultes, tout au moins physiquement, M.Amber le sera-t-il jamais ?
il faut entrer dans ce livre comme dans une forêt magique, ne rien chercher à comprendre, seulement ressentir, être charmé, ébloui, enchanté, par les images poétiques et l’écriture fascinante de Yoko Ogawa, capturer peu à peu les indices légers qu’elle laisse, et quand on referme le roman sur quelques phrases lapidaires qui remettent la réalité au premier plan, on comprend ce à quoi on a assisté, un drame profond, terrible entre la folie et la capacité d’y résister .
Donc je ne saurais trop conseiller la lecture de cette auteure magistrale !