Never ending man-Hayao Miyazaki, la légende vivante, et bien vivante !

Parce que je l'idolâtre, imaginez-moi à genoux, les pieds croisés les mains à plat et le front touchant le sol...

Pendant deux ans (2014/2016), pour la NHK,  Kaku Arakawa, journaliste et réalisateur, a suivi et écouté Miyazaki.

Il a tourné caméra à l’épaule, avec des moyens techniques minimalistes, une image un peu grenue, un son un peu graillonneux, ce qui donne à la longue l’impression que c’est nous, le caméraman amateur, qui avons suivi le Maître, discrètement et les oreilles grandes ouvertes, et qui ne serait avide d’en faire autant ?

Le film s’ouvre sur les studios Ghibli vides, puis  on assiste à l’annonce par Miyazaki de sa retraite (en plaisantant sur le fait que ce n’est pas la première fois) et sur un arrêt qui serait définitif.
Puis nous la caméra le suit, dans la rue, sous la neige, puis dans une maison vaste, moderne et pourtant aussi claire et dépouillée qu’une maison traditionnelle japonaise. En fait c’est la maison Nibariki, dessinée et construite à côté des studios pour la société de production.

« Pourquoi une caméra ? » demande Miyazaki au caméraman (qu’on n’entend ni ne voit jamais) «  Je suis  à la retraite. »

Toujours fidèle à la 2CV...

Il va beaucoup y revenir sur son âge, la baisse de ses facultés, de la sûreté de son dessin, plus comme s’il voulait s’en persuader que nous en convaincre. Puis il explique qu’il a fait des pubs. Et maintenant il pense à faire un court métrage, sur l’histoire de Boro la chenille.
Et puis nous revoilà aux studios, et il y a du monde !

Sous couvert de nouvelles découvertes Miyazaki s’intéresse aux images de synthèse avec une équipe de jeunes, qui, d’une façon assez touchante, manifestent un profond respect et presque de la timidité, et ils ont une grande patience, car Miyazaki revient beaucoup sur le moindre détail des dessins, explique, montre ce qu’il veut, et peu à peu on sent bien que ça ne le satisfait pas vraiment. Toujours avec son tablier de cuisine, il s'essaie au dessin sur tablette ...

La rencontre avec un groupe de jeunes patrons d’une entreprise d’AI déclarant ouvertement qu’ils souhaitaient supprimer totalement la main humaine du dessin d’animation est assez drôle. On voit le visage du Maître qui se ferme peu à peu pour finir par dire qu’il trouve ça horrible (et moi aussi, parce que l’exemple qu’ils avaient choisi de lui montrer était positivement hideux)
Tout au long du film Miyazaki est partagé entre la conscience claire de son œuvre, de sa valeur et de son propre talent, et la crainte manifestée régulièrement de faire « le film de trop » de décevoir, de ne plus être à la hauteur. Il tâtonne, cherche une nouvelle voie, peut-être l’image  de synthèse ? Il est lucide sur lui-même et cependant modeste, mais il reconnaît qu’il n’a pas pu former de successeur parce qu’il les a « tous dévorés ».

Il y a des moments où Toshio Suzuki, le producteur, ancien président du studio et surtout ami de toujours, passe, et les deux vieux messieurs bavardent, parlent de tous ceux qui ont travaillé avec eux et qui ne sont plus là…

"Pourquoi ne suis-je pas mort avant eux ?" s’interroge Miyazaki. Mais il n’y a rien de triste, une légère mélancolie, sans plus…
Et peu à peu arrive enfin le vrai sujet : le désir de recommencer, de faire un nouveau long métrage.
Toujours en disant qu’il n’a plus d’idées, qu’il est trop vieux, mais le désir profond est le plus fort et finit par faire surface et la phrase fatidique est lancée :
« je vais refaire un long, tout à la main… "

Toshio : il faut refaire une équipe, et il te faudra au moins trois ans !
Miyazaki : Il faut le sortir en 2019 (nous sommes en 2016) avant 2020 et les jeux Olympiques.
Toshio : et si tu meurs avant ? Remarque ce serait bien que tu aies fait tous les storyboard..
et les deux vieux bonhommes de rigoler…
Toshio : mais pourquoi tu veux recommencer ça ?


Miyazaki : Je m’ennuie quand je ne fais rien… J’aime travailler… Ce qu’il faut, c’est mourir avec une raison de vivre…

Quelle phrase ! Quelle conclusion ! J’avais envie d’applaudir !

Ce documentaire est un régal, un bonheur, un délice... Courrez-y, ou offrez-vous le DVD...